La boîte interactionnelle 1/2

« Il est impossible de ne pas communiquer » disait Paul Watzlawick.

La communication est inhérente à la vie, elle prend des formes diverses, elle est instantanée, circulaire et pas toujours consciente.

Dès le début de notre vie, nous participons à la construction de nos règles de communication, des lois qui nous sont propres et qui évoluent plus ou moins facilement. Ces modalités interactionnelles s’imprègnent et impactent en retour les différents contextes dans lesquels nous communiquons, même sans mot car à partir du moment où nous existons les uns pour les autres, nous nous influençons mutuellement.

C’est ainsi que nous développons notre intelligence relationnelle.

L’intelligence relationnelle est l’alliance de deux autres formes d’intelligence, l’intelligence situationnelle et l’intelligence émotionnelle. La première constitue notre capacité à analyser une situation, et à l’utiliser plutôt que la subir. C’est être en mesure d’adapter notre discours et nos stratégies de communication aux différentes situations interactionnelles que nous rencontrons, y compris lorsque nous faisons face à un interlocuteur animé de mauvaises intentions à notre égard. Cette souplesse relationnelle nécessite d’apprendre, au préalable, à reconnaître et à accueillir nos émotions, pour en faire des alliées, ce qui équivaut à développer notre intelligence émotionnelle. Une relation apaisée avec nos émotions rend notre communication plus claire, plus solide, plus efficace.

Considérant globalement que ces processus de communication et de gestion des relations sont instinctifs et innés, nous ne leur accordons qu’une attention limitée, ce qui peut générer chez certaines personnes beaucoup de souffrance.

« Puisque tout le monde semble penser qu’être en relation est chose évidente, alors si je ne sais pas faire, c’est forcément que j’ai un problème, que je suis le problème.

Puisqu’il n’existe aucune forme d’enseignement institutionnel à savoir être en relation, à comprendre la communication, alors si je ne sais pas faire, je n’aurais aucun moyen d’apprendre. »

Ce constat est encore plus dramatique en ce qui concerne les enfants, car lorsqu’ils se mettent à souffrir de leurs relations, nous, adultes, basculons de l’absence de considération aux injonctions, dont la principale consiste en général à les inciter à nous déléguer leur problème relationnel, ce qui fragilise malheureusement les plus vulnérables d’entre eux.

L’absence de considération est une forme d’abandon qui peut générer un sentiment d’impuissance.

L’injonction correspond à une forme de prise en charge qui crée de la rigidité et qui ôte tout pouvoir.

Si nous voulons plutôt cultiver l’empowerment des enfants en termes de communication et d’interactions, il ne faut pas se limiter à leur indiquer comment être empathiques et à l’écoute des autres, il est aussi indispensable de leur montrer ce qu’ils peuvent faire pour se protéger et se défendre des personnes malveillantes. Apprenons-leur à se connaître pour qu’ils identifient leurs ressources, aidons-les à être plus à l’écoute de leur monde intérieur, enseignons-leur la souplesse relationnelle et les stratégies de communication.

L’institution vise à développer à la rentrée 2022 un grand plan national de gestion du harcèlement scolaire. Lors de ma dernière année d’exercice au sein de l’éducation nationale, j’ai suivi la formation mise en place pour donner consignes et outils aux personnels souhaitant s’investir dans le traitement de cette problématique.

Il n’y a en réalité qu’une consigne, et c’est toujours la même : il faut viser le changement de comportement des élèves responsables et témoins. La nouveauté réside dans le fait qu’il faudra désormais utiliser un seul outil imposé et déployé sur tout le territoire. Comment une méthode pourrait, à elle seule, permettre de gérer un problème aussi complexe que le harcèlement en milieu scolaire ? De plus, de mon point de vue, il est très injuste pour les victimes de focaliser toute l’attention et toutes les actions des adultes sur les responsables et les témoins.

Lors de ces quatre journées de formation, nous sommes quelques-uns à avoir demandé aux intervenants comment aider les élèves en posture de vulnérabilité, comment leur redonner confiance, comment leur permettre d’apprendre, eux aussi, à être en relation de manière plus apaisée. La réponse à toujours été la même : « C’est trop dangereux car on ne peut pas former correctement les personnels à ces méthodes sensées développer les compétences relationnelles des enfants, cela demande un trop gros investissement ». Les formateurs savaient que nous faisions référence à l’école de Palo Alto.

Il n’est pas d’usage, dans cette institution si verticale, d’écouter les personnels qui expérimentent avec succès sur le terrain. C’est fort préjudiciable car ceux qui s’emparent de cet outil pragmatique et résolutoire, après avoir été en effet correctement formés, réussissent à redonner pouvoir et confiance à certains enfants et diminuent par conséquent les dangers auxquels ils étaient exposés compte-tenu de leur vulnérabilité. Un enfant qui dispose d’outils interactionnels est moins malmené dans la cour de récréation.

Non seulement cette approche est exclue sans même être évaluée, mais aucune autre n’est proposée pour les personnels qui voudraient affiner la prise en charge des élèves en souffrance. Par ailleurs, il est hautement regrettable de la limiter à une version atrophiée, aux seules « contre-attaques verbales » qui peuvent être proposées à certains enfants en souffrance relationnelle, alors qu’elle recèle tant d’autres outils :

Travail sur la posture

Accueil des émotions

Prise en compte des visions du monde

Apprentissage du jeu social

Souplesse et créativité interactionnelle

Expériences émotionnelles correctrices

Confiance, en soi-même, en les autres

Communication

Responsabilisation

Je suis triste pour tous les enfants qui souffrent de moqueries, brimades, intimidations, qui voudraient apprendre à interagir avec les autres pour ne plus se faire malmener et qu’on laissera, encore, dans le plus grand désarroi.

Je continue d’espérer qu’un jour, l’institution décidera d’ouvrir ses portes à l’école de Palo Alto, pour le plus grand bien de tous les enfants qui n’ont pas la possibilité d’aller chercher de l’aide ailleurs qu’à l’école.

Ainsi, ils pourront apprendre à construire leur propre « boîte interactionnelle ».

À suivre : « la boîte interactionnelle 2/2 »

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